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Archie contre les pirates

Temps de lecture : 5 minutes

-C’est bon les gars, on arrête de cueillir. La vieille sorcière Pétronille a demandé quelques brins de bruyères et d’ajoncs, dit Archie. Je me demande qui elle a encore dans le pif pour fabriquer toutes ses potions.

Nos trois compères Archie, Barthélémy et Maturin, huit ans bien sonnés, connaissaient bien la lande du Morbihan. Ils adoraient y venir à la nuit tombée comme ce soir. Les chauves-souris leurs effleuraient les cheveux et ça les faisaient rire ! Leurs sabots en guise de chausses (hé oui, on est en mille huit cents) martelaient le sol de « clac, clac » faisant écho au hululement du hibou grand-duc.

Les deux complices d’Archie ne l’écoutaient plus, toujours prêt à se bastonner. Barthélémy avait poussé trop vite : ses vêtements lui donnaient l’air d’un épouvantail rouquin. Pas trop futé, avec son tic très caractéristique, il clignait l’œil gauche en remontant l’épaule droite, sympathique, Il l’avait adopté comme ami. Mathurin lui, le nerveux avec sa mèche brune rebelle, toujours prêt à en découdre avec ses poings, l’avait sauvé d’une échauffourée qui aurait pu lui faire perdre la vie. Archie avait juste perdu la moitié du petit doigt droit. Depuis ils étaient devenus inséparables.

Pendant que vagabondaient ses pensées, ses pas l’amenèrent vers la mer et la falaise. Soudain, ses yeux repérèrent en contre-bas la lumière d’une lanterne en mouvement : deux silhouettes chargeaient des caisses vers une barque.

-Hé les gars ! Venez voir ici, ça bouge en bas, murmura-t-il en faisant un appel du bras.

Les deux lascars las de se battre, rappliquèrent en trombe. Dans son élan Mathurin poussa malencontreusement Archie qui cria, tomba vers le vide, se réceptionnant sur les fesses d’un « Aïe » retentissant, glissa la pente sur une dizaine de mètres, atterrissant de tout son long sur le sable humide.

– Sacrebleu ! s’exclamèrent en chœur Mathurin et Barthélémy.

Regardant tour à tour le copain qui se relevait d’un bond repéré par les deux hommes qu’il avait dérangés. Sonné de sa chute, voyant les ennuis arriver au pas de course, il prit ses jambes à son cou pendant que plus haut, deux têtes se dissimulaient sans perdre une miette de la scène. Pan ! un coup de feu retentit. Une poigne de fer attrapa Archie par le colback. Il se débattit comme un diable mais c’est le diable sous les traits d’un pirate qu’il avait face à lui.

– Tiens qu’avons-nous là ? Tu nous espionnais, hein, vermine ? postillonna l’homme au chapeau noir à tête de mort.

– Pouah ! Tu chlingues du goulot ! répliqua du tac au tac le môme.

Trainé sans ménagement par son col de chemise, Archie jetait de furtifs coup d’œil vers les hauteurs dans l’espoir de voir ses compères le sauver. Rien ! Il faisait trop noir maintenant. La peur le fit frissonner. Arrivé devant son complice harnaché de sabre et pistolet chargeant des caisses, le pirate lança :

– Hé, Massacrabord, on en fait quoi du mioche ?

– Enchaine-le dans la grotte derrière. Il nous servira de moussaillon sur le bateau.

La fameuse grotte était dissimulée derrière un rideau de fougères et végétaux. Pratique pour isoler les gêneurs !

-Treebord ! Serre les attaches, on part que dans deux jours, faut pas qu’il prenne la poudre d’escampette et qu’il nous fasse repérer !

L’autre grogna. Archie tenta une échappatoire mais c’est un uppercut en plein ventre qui l’arrêta net. Deux chaînes scellées à la paroi se refermèrent dans un claquement sec et froid menottant ses deux pieds comme un vulgaire animal de cirque. Hébété, sonné, assis contre la paroi de pierres saillantes, il cherchait désespérément comment sortir de cet enfer. Face à lui une torche brulait laissant entrevoir des caisses aux contenus douteux, deux vieux matelas certainement pour nos pirates, et des restes de nourriture, ce qui éveilla le ventre d’Archie dans un « glou glou »de sons retentissants. Au fond une barre de fer gisait par terre, des bouteilles d’alcool qui attendaient d’être avalées et à l’entrée un sabre posé contre le mur. Il prit un élan vers chacun d’eux mais les liens étaient trop cours. Hélas ! Treebord surgit en récupérant sa lame, tout sourire édenté dans un hoquet lança :

-A demain moussaillon ! Te laisse la torche allumée dès fois que t’aurais la frousse ! Puis il partit dans un rire à se dilater la rate.

Pendant ce temps, au pied des falaises Bartholomé et Mathurin avaient réussi à descendre et s’étaient rapprochés en se dissimulant derrière des gros rochers sans perdre une miette des évènements. Les pirates partis sur leur barque en direction du large vers leurs trois mats, nos deux gus se dirigèrent à pas feutrés et en alerte vers l’entrée de la grotte. Sous leurs yeux ébahis, Ils découvrirent leur copain enchainé complètement amorphe.

Des cris, des embrassades firent bondir de joie Archie mais un cliquetis sinistre lui rappela son enchainement. Il dit :

-Les gars, faut me sortir de là et casser ces attaches !

-Où est la clé ? fit Bartholomé. Son tic plus prononcé montrait sa nervosité.

-C’est Treebord celui à la joue balafrée qui la garde sur lui !

Armés de la barre de fer, ils tapèrent à tour de rôle sur les chaines, sans succès. En sueur et fatigués, Archie, qui avait eu le temps de réfléchir, leur exposa son plan.

-Mais ton père va s’inquiéter s’il ne te voit pas rentrer ? lança Mathurin.

-Non, ne te bile pas ! Il travaille toute la nuit, revient bourré comme un coing et dort la journée entière !

Les deux mômes ragaillardis par leur mission à accomplir pour sauver leur copain en oublièrent l’essentiel !

-Hé vous oubliez les deux bouteilles de rhum ! leur rappela Archie.

Mathurin et Barthélémy n’avaient pas inventé la poudre à canon ! Entre l’un qui ne pensait qu’à cogner et l’autre pas futé pour deux sous, Archie devenait une lumière à côté d’eux et leur chef de groupe. Pendant qu’Archie aspirait à la réussite de son plan, les deux autres que la lune montante éclairait, se dirigèrent vers leur nouvel objectif. Après une demie heure de marche entre lande et forêt, Ils arrivèrent à l’orée du bois, près du ruisseau aux lucioles. Avec courage, ils se dirigèrent et frappèrent à la porte biscornue ornée d’une chouette effraie de l’inquiétante Pétronille reconnue pour ses potions. On la craignait mais dans les cas désespérés on bravait ses peurs pour faire appel à ses services. La porte s’ouvrit grinçant sinistrement. Pétronille se tenait là devant eux affublée d’une robe longue verte d’une côté et bleue de l’autre où dépassaient de vieux godillots ornés d’une souris empaillée à chaque bout. Ses cheveux gris en bataille attachés par un magnifique papillon jaune, tout sourire elle les interpella d’une voix mielleuse :

-Vous êtes perdus les vermisseaux ? les pointant du doigt d’un ongle biscornu.

-Non ! fit courageusement Mathurin, en secouant la tête faisant bouger sa mèche rebelle.

La sorcière le regardait en louchant dessus avec des envies de la couper ! Courageusement, il prit une inspiration en regardant Barthélémy et raconta leur mésaventure.

-Pour Archie, un bon garçon, je vous prépare et verse la potion d’ensommeillement dans les bouteilles mais en échange ramenez moi une mèche de pirate !

Le lendemain, les deux pirates burent les tentantes bouteilles déposées en vue dans la grotte. Entre deux hoquets, et titubant de sommeil, ils s’écroulaient sur la plage. Prêt à intervenir, Barthélémy et Mathurin saisirent les clés des chaines, délivraient Archie non sans avoir prélevé auparavant une mèche de pirate. Puis Ils prirent la poudre d’escampette, fiers de leur réussite. 😉

2 commentaires

  • Marie-Louise Nolte

    Bravo Christine, pour cette histoire de pirates pleine de vie et d’actions. Les dialogues sont fusent avec vivacité et certaines expressions sont de vraies pépites. Il y a de l’action et tes personnages sont fort bien caractérisés. Comme je n’ai pas lu la consigne d’écriture ( et souvent je préfère ne pas la connaître car ce qui compte pour moi c’est un texte qu’ont peut s’approprier sans à priori ) je ne dirai donc rien à ce sujet. Merci pour ce moment de lecture d’un texte  » enlevé », drôle et distrayant !
    Marie-Louise Nolte

    • marie-christine-legrand

      Bonsoir Marie-Louise,
      Je suis contente d’avoir de tes nouvelles. Et j’apprécie toujours la pertinence de tes commentaires et tes encouragements. C’est une nouvelle de fin de première année écrite à l’esprit du livre. Elle change du registre habituel et c’est très agréable d’écrire pour les enfants.
      A très bientôt.
      Marie Christine

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