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Quand le plaisir vire au déplaisir….

Temps de lecture : 4 minutes

Raymond, bien portant de sa personne, humoriste, mélomane dont la réputation n’est plus à faire, même hors des frontières, peaufine les dernières préparations de son entrée en scène. Il est arrivé quelques heures plus tôt, à la comédie des 3 Bornes, sans les dépasser, dans son mythique costume bleu ciel, enveloppant et révélant sa nature de bon vivant. D’ailleurs, il a la banane rien qu’à voir son sourire et ses yeux pétillants. Sa mèche corbeau tressaute aux rythmes de ses pas et d’un geste devenu machinal, vire en arrière cette rebelle en un tour de main. Il se dirige vers la scène au son des 3 coups.  Le rideau carmin se lève. Ovationné, les mains en éventail, et révérence prononcée, il entonne :

  • Mesdames, Messieurs, bonsoir !
  • Quel plaisir de vous rencontrer !
  • A propos de plaisir, ii m’est arrivé une drôle d’histoire !
  • L’autre jour, j’avais envie de lecture pour le plaisir. Le plaisir de lire me direz-vous c’est un peu vague. On patauge, on s’y noie si on ne trouve pas le bon livre, et le bon conseil.
  • Alors, je décide d’aller à la librairie du quartier latin.
  • Mes pensées tournicotaient à la recherche de ce fameux titre « plaisir et quelque chose » entendu à la radio il y a un certain temps maintenant. A force de tourner et tournicoter, elles en perdaient leur latin. Je leur dis :
  • Ah ! Recentrez-vous bon sang ! Comment voulez-vous que je réfléchisse si vous tournez en boucle ! Trouvez-moi une sortie ! J’étais bien énervé !
  • Les gens me regardaient parler tout seul dans la rue, ils m’ont pris pour un fou en s’écartant.
  • Puis, calme plat. Pas une vague. Ça ne biffait pas là-dedans. Elles s’étaient tus. Vexées peut-être ?
  • J’étais bien seul ! Heureusement, j’allais retrouver mon conseil et ami libraire : Joseph Millefeuille.
  • D’abord, sa librairie, passez devant, vous ne pouvez pas la louper ! Des couleurs vertes, jaunes et orange barbouillent les visages des sculptures en pleine lecture. Elles parcourent toute la façade. C’est Dantesque !
  • Elle se nomme :  LIBRAIRIE DES MILLE ET UNES FEUILLES.
  • Et il n’en perd pas une !
  • Il navigue là-dedans comme un poisson dans l’eau.
  • Vous ne pouvez pas le rater, il porte un couvre-chef vert-jaune-orange comme sa vitrine.
  • Il m’aperçoit ! Tout sourire !  M’interpelle en faisant des grandes vagues avec ses bras. On aurait dit un poisson dans son bocal happant l’oxygène !
  • Eh, Raymond, mon ami, sois le bienvenu ! Entre donc dans ma caverne d’Ali Baba ! Quelle bonne idée de génie que tu as eu. Me dit-il.
  • Salut Jo ! Appelle ton génie je vais en avoir besoin !
  • Puis il fait mine de se frotter les mains appelant son génie d’ingéniosité, d’un regard malin.
  • Bien ! Je lui fais. Je voudrais trouver le livre que j’ai entendu à la radio mais j’ai oublié une partie du titre. Il était question de plaisir et autres choses… mais là je sèche, je ne me souviens plus de la fin !
  • Je vais essayer de t’aider mon ami mais tu n’me donnes pas beaucoup d’indices ?
  • Il réfléchit. Plisse les yeux. Soulève son chapeau bariolé d’une main et de l’autre caresse sa barbiche poivre-sel.
  • J’ai bien une petite idée. Hum ? Plaisir, ça m’évoque… ce livre…mais j’hésite.
  • D’un oui de la tête, je le regarde tout ouïe ! Si tu trouves mon plaisir à lire, je t’embrasse !
  • Il a un mouvement de recul et me regarde d’un drôle d’air ! Raymond tu vas bien, toi ?
  • Oui-oui ! j’attends ta trouvaille.
  • J’ai ma petite idée. Mais ces livres-là sont plutôt rangés vers le fond. Suis-moi.
  • Je te suis. (Ses mains sont tellement chargées de bagues multicolores qu’elles éclairent presque le couloir !)
  • Il se dirige vers l’arrière de la boutique. Je le suis, pensif, vers un coin sombre de sa caverne. Les lumières tamisées donnent une drôle d’ambiance si vous voyez ce que je veux dire !
  • Va-t-il me faire surgir son génie ? Me dis-je intérieurement.
  • Il attrape l’escabeau. Monte sur les hauteurs. Cette lecture sera à la hauteur, a n’en pas douter. J’attends les bras croisés. Mes sourcils font des vagues de scepticisme.
  • Il tire la tranche d’une reliure rouge et or. Vérifie le titre, tourne les pages et d’un « humm » satisfait, le tend d’un sourire polisson.
  • Le livre est de toute beauté. Un vrai trésor. Je l’ouvre. Je le feuillette. Surpris, je hausse les sourcils. Lui fait des yeux ronds comme des billes. Ils font des sprints de Joseph au livre et du livre à Joseph et je lui lance :
  • Tu te moques de moi ? ça n’a pas d’sens ! Joseph, t’as l’esprit taquin ou quoi ?
  • Raymond ! Il me dit. Faut bien rire un peu ! Je t’ai eu ! Et toi, tu en connais un rayon dans ce domaine ! Tu m’as sorti le mot plaisir au moins six fois ! J’avais compris comme un appel aux plaisirs de la chair !
  • , tu m’as bien eu Joseph ! (Je lui tape sur l’épaule). Je te rends « ce plaisir ».
  • Non ! Gardes-le Raymond ! Qu’il me fait d’un sourire taquin. J’ai réfléchi et crois avoir trouvé ton bonheur.
  • Trois minutes plus tard, il revient tout content et me remet le livre au titre suivant « Pour le bonheur et le plaisir de lire » de Tod Told.
  • Merci mon ami, tu es un génie ! lui fis-je en l’embrassant.

Mesdames, Messieurs, je sortis de la librairie sous la révérence et la bénédiction de Joseph. Mes deux livres sous le bras, j’avais double plaisir.

Merci pour lui.

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