Nouvelles

Cupidon s’amuse

Temps de lecture : 4 minutes

Ma trottinette électrique sous le bras et ma sacoche de l’autre, je tentais difficilement de lisser et dompter ces boucles rebelles au roux chatoyant, avant de rentrer dans le bureau du responsable. 

. « Concentration, respiration, maitrise de soi, sourire » me dis-je respirant à fond.

Effectivement, ce début juillet ensoleillé, diplôme d’horticulture en poche, je commençais mon premier jour de travail en cdi parmi les fleurs des Serres Municipales. Une fleur parmi les fleurs…. On ne pouvait pas rêver mieux. Monsieur Bonavent le responsable du site, m’accueillit chaleureusement poignée de main appuyée.

. « Bienvenue Charlotte dans votre nouveau poste dit-il. Venez, nous allons parcourir les serres et faire connaissance avec vos collègues. Ils ont hâte de vous rencontrer ! »

. « Merci beaucoup de m’accueillir dans votre équipe » dis-je rapidement, sa timidité lui faisant monter le rouge aux joues.

Je n’avais jamais été très à l’aide en public même si ma tignasse rousse pouvait laisser paraitre un tempérament de feu. En marchant dans ce jardin extraordinaire aux mille et une senteurs et couleurs féériques, je fis la connaissance d’une dizaine de nouveaux compagnons, chacun affairé à leurs taches horticoles respectives, et enchantés de travailler avec moi.

. « Je vais vous présenter Jonathan, paysagiste, il a votre âge et sera votre tuteur pendant quelques semaines. Le voilà près de la roseraie » me dit-il.

Je ne sais plus qui de nous deux tendit la main en premier mais je suis sûr d’une chose, mon regard fut aimanté et capté par le vert émeraude de ses yeux et le sourire en coin de ses belles lèvres charnues. Son « bonjour » d’une voix profonde de ténor me fit redescendre sur terre comme une plume ivre et d’un battement de cils un « salut » surgit de mes lèvres. Mes joues aussi rouges que les roses « Red Parfum » à proximité me firent sentir aussi stupide qu’une adolescente à son premier rendez-vous !
« Ressaisis-toi » dis-je intérieurement, tu as l’air ridicule » !

Mon coéquipier mi amusé, mi sérieux, avait ressenti mon trouble, et pour ne pas me gêner d’avantage me narra le déroulement d’une journée tout en marchant le long des allées odorantes des rosiers grimpants et des lys. Mon regard se posait subrepticement sur sa silhouette élancée à l’allure d’un nageur sportif. De ses longues mains fines, il effleurait les plantes avec grâce. Pas de doute, il avait le don de transmettre sa passion de l’horticulture. Nos échanges de connaissances et nos points de vue communs commençaient à tisser des liens en ce début de matinée.

Cependant, une certaine Loriane, avec son allure de Gothic, s’évertuait, a sans cesse interrompre ce fil ténu qui s’était créé au fil des heures. « Jonathan, peux-tu m’aider ! Jonathan, tu n’as pas oublié la fête de demain soir » ! » Elle voulait être le centre de son attention et y parvenait facilement avec ces yeux noirs cernés de khôl au regard de biche. Bien que concentrée sur mon parterre de campanules, on sentait chez Jonathan une certaine aptitude à savoir écouter les autres et surtout cette collègue « envahissante ». Elle me faisait comprendre de son sourire narquois qu’elle le connaissait bien avant moi. Intérieurement je la classais au rang de rivale !

De sa voix chaude, il interrompit le cours de mes diaboliques pensées en disant :

. « Charlotte, tu viens manger avec nous ce midi sous les pins près de la serre ? »

. « Avec plaisir ! » je lui répondis le regard pétillant et d’une voix sûre de moi.

Le repas, disons plutôt le pique-nique fut riche en échanges. Tous voulurent en savoir un peu plus sur ma personne et chacun se présenta d’une manière naturelle avec leurs qualités et leurs petits travers. L’ambiance bon enfant contribua à me détendre et me sentir à l’aise avec eux. C’était sans compter sur cette fameuse « Loriane » qui me lança :

. « Charlotte, as-tu vu la superbe tonnelle de glycines, près de l’ancienne serre ? »

Un « non » de la tête lui répondit.

. « C’est à voir absolument avant de reprendre cette après-midi, un lieu incontournable et splendide ! » dit-elle d’une façon théâtrale.

J’avais la nette impression qu’elle voulait m’évincer en m’envoyant balader. Quelques-uns appuyèrent ces dires et confirmèrent la beauté du lieu classé « arbres remarquables ». Effectivement, mes pas me guidèrent vers cette tonnelle immense, aux couleurs bleu-violet, m’invitant dans sa bulle de glycines d’ombre et de fraicheur. Les rayons du soleil jouaient à cache-cache avec les grappes et les chaises longues aux bras protecteurs m’invitaient à m’étendre et rêver. Ce que je fis. Mes pensées s’envolaient vers Jonathan, l’énigmatique. Son visage aux traits fins, ses cheveux noirs aussi raides que ceux des personnages de manga et ses yeux émeraude cherchaient mon regard. Je vis mille lucioles. Sa bouche effleurait mes lèvres. Ses mains fines caressaient mes bras remontant le long de mon corps en caressant délicatement mes seins, me donnant des frissons de bonheur et de désir dans le bas du ventre . Mes lèvres allaient à la rencontre de ce baiser tant désiré.

Une main douce se posa sur mon bras me sortant brusquement de ma rêverie. Jonathan était là devant moi en souriant il me dit : « prête à travailler Charlotte ? »

. « Oui bien sûr ! « Lui répondis-je me levant brusquement et encore troublée par mes pensées.

L’après-midi passa très vite. Le directeur vint m’informer qu’il était très content de mon intégration. Les « au revoir « et les « Tchek » de tout le personnel fusaient dans tous les sens.
En récupérant ma trottinette, toute joyeuse, mon regard suivit la silhouette de Jonathan montant dans un Austin jaune. Se penchant vers le conducteur, ils échangèrent un baiser… « Scotchée » et » bouche bée » mes yeux les suivirent jusqu’à ce que ce point jaune  disparaisse à l’horizon. Complètement abasourdie, les bras m’en tombèrent. Sentant une présence derrière moi, je vis Loriane accoudée au mur les bras croisés me regardant d’un sourire moqueur….

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *